D'AUTRES ECRITURES SECRETES

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La grande distinction à laquelle il sera nécessaire de procéder ici est celle de l’intention de l’auteur. L’écriture secrète place le texte dans la catégorie du sacré (ce qui ne veut pas forcément dire religieux), et éloigne le profane. Il est clair que cette oeuvre énigmatique, par sa constance, sa consistance, et sa densité, est pleine et entière. Elle doit être, par nature et par vocation initiale, inaccessible pour les non-initiés, et acquiert donc une sacralité, dans ce qui nous semble fondamentalement être une recette alchimique. Ceci est la raison d'être des textes et images. Dans le cas de messages chiffrés classiques, il s’agit de faire passer un message dont le but est d’être déchiffré par le destinataire désigné. Ledit message porte un sens, et sera utile au destinataire. Le chiffrement a alors pour but exclusif de masquer le contenu réel à un intermédiaire non destinataire des informations qu’il contient, en général, un « ennemi » civil, politique ou militaire. Bien sûr, les méthodes de chiffrement de plus en plus compliquées proviennent de la nécessité de rendre toujours plus sures des informations certes importantes mais dont les techniques de déchiffrement évoluent également. En général, les techniques de déchiffrement évoluent moins vite que celles de chiffrement. Depuis Jules César, une histoire exhaustive des codes secrets prendrait presque la forme d’une longue encyclopédie. Et pourtant la science du secret ne s'est développée de manière très conséquente qu'au XXe siècle, et pas forcément grâce à l'informatique, mais plus par les enjeux de plus en plus importants.

A peu de chose prêt, quasiment toutes les écritures secrètes ont été déchiffrées parce qu’elles avaient un sens et un contenu compréhensible, et contenaient en elles une possibilité de déchiffrement. Si une information importante doit être transmise et qu’elle est cryptée, on peut supposer que son destinataire voudra voir le message original en clair. Le message crypté contient les briques du message original.

Dans le cas des écritures secrètes inventées, créées… par différents auteurs, rien ne présage que le texte chiffré contienne intrinsèquement le message en clair. Le chapitre suivant évoquera l’intention de l’auteur, l’intention d’un auteur qui volontairement crée une écriture secrète , celle ou l’écriture et l’art sont conjoints.

Il sera utile avant d’aller plus loin de prendre connaissance de différents auteurs qui ont jalonné l’histoire des écritures mystérieuses, secrètes, et très souvent indéchiffrées. Nous commencerons par Luigi Serafini, qui est un architecte italien, vivant de nos jours en périphérie de Rome, et dont on pourrait supposer que son message et son intention pourraient nous donner une clef pour résoudre le manuscrit Voynich, puisqu’en vie, il pourrait s’exprimer sur le sujet de son œuvre mystérieuse « Codex Seraphinianus » (CS).

Il y aura d’autres exemples qui seront évoqués dans le but de comprendre, même sur la base de simples descriptions, la volonté de chaque auteur.
Nous ne ferons pas un travail similaire à celui des italiens Paolo Albani et Berlinghiero Buonarroti qui ont écrit « Dictionnaire des langues imaginaires » (Editions des Belles Lettres)  avec 3000 entrées, et 1100 langues répertoriées, montrant qu’en matière de création littéraire, l’histoire a été, depuis des siècles, extrêmement riche et prolifique.

A) Luigi SERAFINI
Le travail solitaire de Luigi Serafini à la fin des années 1970 a été confié concernant l’éditeur à Franco Maria Ricci qui accepta tout de suite la publication dans son catalogue « Les signes de l’homme » ce travail original, graphique, et littéraire, même si le CS n’est pas lisible car écrit dans une langue non déchiffrée.

serafini

Le manuscrit Voynich jouit d’une réputation d’être le seul manuscrit non déchiffré et créé depuis plusieurs siècles. Ce postulat étant posé, pourquoi serait-il le plus important, le plus difficile… ? Mes diverses tentatives d’être en contact avec Luigi Serafini ont été infructueuses. Le but était de comprendre à défaut du CS l’intention de l’auteur ou de celle du l’auteur du Manuscrit Voynich. Les deux écrivains ont la même caractéristique quant à l’œuvre qu’ils ont produites : une œuvre écrite, structurée et ordonnée, mêlant dessins et écriture. Ils pourraient être aussi italiens tous les deux. Nous en avons forcément la certitude pour le premier, mais pour celui objet du livre, aucune.
Le CS est une véritable encyclopédie traitant de la nature, des hommes, des minéraux, des mathématiques, de l’écriture… avec des dessins plus fantastiques que surréalistes. L’écriture est constamment présente dans les 400 pages du livre, tant sur les légendes des dessins que sur la numérotation, les diverses tables des matières… Le tout forme un ensemble très cohérent, avec un constance dans la créativité. On y trouve même un chapitre présentant l’écriture et la parole une pierre de Rosette qui répertorie non pas le grec, le démotique et les hiéroglyphes, mais deux langues imaginaires : celle du livre, et une nouvelle également inventée par Luigi Serafini.

Et pourtant, malgré l’homogénéité du livre, Luigi Serafini a laissé une brèche dans deux pages contiguës du livre, peut être une clef pour comprendre son intention : il s’agit, dans l’exemple de l’image qui suit, d’un homme allongé dont l’encrier, et a laissé s’échapper des mots écrits non pas dans la langue originelle de l’auteur, mais en… français. Par contre, le texte décrivant les deux scènes est écrit dans la langue imaginaire. Il s’agit de la seule exception dans ce livre dont nous avons dit qu’il formait un tout cohérent. Il faut avouer que la signification de cette exception scripturale nous échappe et ce n’est pas les quelques suppositions que nous avons qui authentifient l’intention de l’auteur.
Le premier dessin montre un homme écrivant avec sa main-plume sur un chevalet-livre spiralé. Les mots sur la page sont bien écrits, à la manière d’une institutrice s’appliquant pour montrer l’exemple à ses élèves. La plume fuit, et quelques tâches au sol sont mélangées à des lettres tombées elles aussi de la plume. Dans le dessin suivant, tout est détruit : l’homme reçoit en pleine poitrine un stylo (évocation du progrès) qui renverse l’encrier, le livre dont les pages sont déchirées. Quelle est la nécessité de mettre des mots en français pour montrer les progrès du stylo bille sur le stylo plume ? Le stylo Bic est une invention française : Luigi Serafini voulait-il montrer que la dégradation de l’écriture, si tant est qu’elle existe, vienne du Bic, donc de la France ? Encore faudrait-il qu’il y ait cette « dégradation » ou « perte » d’écriture, surtout dans un pays dont l’écriture et le livre sont culturels et historiques, même de nos jours.

La question est de savoir s’il y a un message à cette particularité du CS ? Pourquoi dans le chapitre sur les mathématiques n’y aurait-il pas de référence à l’Inde, ou aux Arabes ? en matière technique de référence aux Etats Unis ou au Japon ? …

Au delà de ces mots en français, la question qu’il est bien sûr naturel de se poser est de savoir si la langue secrète du Codex Seraphinianus est inventée, s’il est une substitution alphabétique… A ce jour, personne ne s’est penchée sur ce livre (dont le tirage c’est vrai est limité et a donc limité le champ des recherches). Il eut été interessant de simultanément tenter de déchiffrer le CS et le Manuscrit Voynich, mais la tache est forcément plus lourde, sans que la tentative de déchiffrement de l’un puisse avoir un lien avec la traduction du second. 

Le seul but de ce petit parcours autour de l’œuvre unique de Luigi Serafini est de prendre conscience que l’auteur du Manuscrit Voynich a pu laisser une clef de déchiffrage de son œuvre, par fierté et orgueil. Mais rien n’est prouvé, même si la supposition est forte d'y trouver une signature, une clef personnelle.

 

B) Timothy C. Ely

Nous évoquerons ici, assez longuement, un autre exemple d’écriture inventée, là aussi par un artiste contemporain. C’est un américain que nous évoquerons, Timothy C. Ely qui vit dans le nord ouest des USA.

Son œuvre, « The flight into Egypt : binding the book », date de 1985 et ressemble par certains égards au Codex Seraphinianus : écriture et graphisme modernes dans une organisation claire et structurée. L'intention de l'auteur est réelle. Textes et graphismes sont organisés, suivant un principe connu d'avance et non aléatoire voire gratuit.

L’originalité de son oeuvre et ouvrage réside dans l’écriture, dont le sens est aussi éloigné de nous que celle du Codex Seraphinianus, mais cette fois-ci, l’écriture est de droite vers la gauche, donc inversée. Le sujet étant l’Egypte, il n’est pas étonnant de retrouver dans cette écriture des caractéristiques proches de l’écriture arabe ou sémitique (l’auteur évoque aussi qu’il est gaucher, justifiant un choix que l'on pourrait qualifier de naturel dans une organisation non littérale). D’ailleurs la graphie en est assez proche mais n’est pas de l’arabe ! Les écritures alphabétiques et secrètes se cotoient dans un univers la aussi limpide, cohérent et uniforme.

La particularité de l’artiste, de l’écrivain, est qu’il s’est exprimé sur son travail, non en théorisant, mais juste en expliquant. Terence McKenna, qui a préfacé le livre de Thimothy C. ELy évoque une « glyptoglossie » proche de la glossolalie, cette dernière étant (Encyclopaedia Universalis) : « un phénomène religieux, de type mystique ou paranormal, qui fait que certaines personnes ont le pouvoir de s’exprimer de manière à être entendues et comprises dans une langue qu’elles n’ont pas apprise ou d’utiliser leur langue propre de telle sorte que les auditeurs en sont subjugués et comme envoûtés ». Le néologisme employé, glyptoglossie, serait une écriture cachée qui pourrait prendre un sens. Le préfaceur continue en parlant d’écriture automatique, de cosmologie proche des traditions Soufi, mais en évoquant le caractère cryptographique des mots. De manière poétique, il nous propose pour comprendre le livre et donc le texte « d’entrer dans une confraternité du silence, parmi les éditeurs, les mystiques, les mathématiciens, les musiciens, et les assembleurs de mosaïques ».

T. C. Ely affirme, en postface de son ouvrage : « les mots sont là pour chiffrer, les images pour déchiffrer ». Et de continuer : « le langage dans mes livres vient d’une situation bizarre qui vient d’une position hybride entre l’écriture automatique, le dessin automatique et des marques automatiques ».

Timothy C. Ely avoue que pendant 25 ans il a fait des lettres telles qu’on peut les voir dans son livre, et qu’être gaucher l’a conduit à écrire de gauche à droite pour éviter les taches d’encre. En commençant à écrire dans le sens inverse, son écriture se révéla proche des alphabets asiatiques ou du moyen-orient, et ce qui lui plu fut que ca ressemblait à des écritures codées. Il continue « ca me semblait mystérieux, et j’aimais l’idée de remplir des pages avec une sorte de métapoesie ou de métaphysique. Les langages n’ont pas à être verbaux ou visuels. Ils peuvent être une sensation, ou dans la forme dont ils se représentent ». Il poursuit : « Les caractères parfois sont assignées à une couleur émotionnelle ou à une note musicale. Il y a beaucoup de bruit de fond (= entropie) dans ces caractères, et c’est crucial pour le livre ».

Ce qui au premier abord dans l’écriture nous semblait construit et organisé, est bien une suite de caractères calligraphiés avec spontaneité et limpidité, mais un ordre de formation quelconque ne révélant aucun sens si quelqu’un se prêtait à tenter le déchiffrement de l’écriture.

Est-ce à dire que le manuscrit Voynich procède de ce même principe ? Nous serions tentés de dire… patience.


C) Bien d’autres écritures secrètes

Ce qui pourrait presque ici ressembler à un catalogue d’écritures secrètes et inventées sera plutôt structuré autour de l’idée que de tout temps l’écriture a eu une présence forte chez les hommes et s’alliant avec le pouvoir, le mystère, l’occulte et la religion, s’est vue enrichir d’alphabets de toutes sortes. La diversité et les exemples sont très nombreux à travers les siècles. Nous avons voulu retenir certains exemples, illustrés pour la plupart, qui peuvent nous donner des pistes pour la détermination du caractère décryptgraphique du manuscrit Voynich.

* Etienne Tabourot a écrit une phrase, ressemblant à de l’hébreu, mais qui est une disposition des lettres de l’alphabet latin selon une matrice 3 colonnes 3 lignes. Les lignes de ce tableau serve à écrire la forme de la lettre, et la différence entre certaines lettres appartenant à une même case sont ponctuées. Ce qui est intéressant ici est que nous avons la clef de lecture d’un exemple qui pourrait se répéter indéfiniment avec une vraie régularité, dans une graphie qui ferait penser plus à l’hébreu qu’à l’alphabet latin. Autant le chiffrement est relativement facile à réaliser, autant la lecture est plus ardue.

* Le projet écrit du prêtre italien Cristoforo Castelli (1600-1659) n’est intéressant pour ce qui nous concerne dans le présent ouvrage que dans la mesure où il crée une calligraphie basée sur des caractères empruntés au géorgien, arménien, hébreu, arabe, grec, syriaque et persan, et les transforme à les rendre méconnaissables. Le chiffrement du manuscrit Voynich doit-il se faire sur la base d’une table de lecture multi-linguistique dans laquelle chaque caractère reporterait à un signe d’un alphabet parmi plusieurs choisis ?

* Ecritures divines ou démoniaques : l’une et l’autre ont eu des adeptes. La piste de réflexion est ici de s’interroger si le manuscrit Voynich a été l’œuvre d’un écrivain sous l’emprise d’une glossolalie, investi par des pouvoirs surnaturels et qui a mis sur papier une écriture rapide, d’inspiration divine ? Nous pensons sur ce point là plus divine que diabolique. En effet, les quelques exemples que nous avons vus d’écritures démoniaques sont courts, sans régularité même si les caractères sont bien dessinés. De plus la diversité des caractères rend peu probable la possibilité pendant plus de 242 pages de maintenir le rythme.

* G. Kalmar (1726-1781) a inventé une écriture symbolique exprimant des possibilités pour chaque caractère donné et donc ainsi autant de notions métaphysiques. Il existe près de 400 symboles que l’auteur considère comme fondamentales pour la communication internationale. La diversité des caractères telle que nous le voyons dans le projet de G. Kalmar n’est pas un attribut du manuscrit Voynich. Nous ne pensons pas que des lettres ou groupes de lettres de notre manuscrit puisse relever de symboles, de pétroglyphes, d’hiéroglyphes, d’idéogrammes, …

* J.R. Tolkien, dans sa saga du Seigneur des Anneaux, introduit deux alphabets elfiques, le Tengwar, composé de 36 signes, dont certains sont très proches l’un de l’autre, et l’Angerthas, de 59 signes beaucoup plus dessinés et différents des uns des autres.

 

tolkien
Aucun de ces alphabets n’a de correspondances avec notre alphabet : il serait délicat de faire correspondre nos 26 lettres avec 36 lettres du premier alphabet de Tolkien ou 59 du second. Bien sûr, il pourrait y avoir des lettres de Tolkien qui remplaceraient des structures alphabétiques : par exemple : un redoublement de lettres formerait un nouveau caractère. En ne doutant pas qu’un long texte écrit avec ces alphabets laisse une intrigue forte au lecteur qui en aurait possession, ce qui nous intéresse ici est le premier alphabet, le Tengwar. Celui ci, même s’il est séduisant du point de vue graphique car très proche de l’oncial, introduit une idée qui nous sera utile par la suite : définir un alphabet comme matrice originale est une chose, mais écrire plus de 200 pages en respectant cette qualité graphique est certes possible mais délicate à mettre en œuvre : le manuscrit Voynich nous fait part de quelques écarts stylistiques. Y-aurait-il alors plus de lettres que les 22 que nous avons vues ? Si tel était le cas, un caractère du manuscrit Voynich pourrait en fait représenter deux symboles si le tracé était légèrement différent. Et de là à deviner si tel ou tel caractère est un redoublement de consonnes, un raccourci pour un groupe de lettres…. Le pas est difficile à franchir.

 

* Andersch Martin, Allemagne. En 1988, après plus de 20 ans d’enseignement de la calligraphie, propose dans une méthode ludique et expérimentale une écriture rythmique, sans contenu sémantique, se transformant jusqu’à presque devenir des images abstraites. Ce qui est intéressant est le tracé et la constance des caractères : le tracé est régulier mais saccadé, comme si l’écriture se cherchait au fur et à mesure qu’elle est couchée sur le papier. La constance dans l’écriture est ici absente : de très nombreux caractères dont il nous serait pas ou peu possible d’en tirer un alphabet, quel que soit d’ailleurs le nombre de lettres de cet alphabet.

* Guy de Cointet, artiste du Xxe siècle, élabore un alphabet purement visuel qui nous semble être plutôt l’œuvre d’un gaucher (ce qui en soi n’a pas d’importance par rapport au manuscrit Voynich, que celui ci ait été écrit par un droitier ou un gaucher). L’écriture est ici constante, homogène, avec des signes qui se repèrent facilement et qui pourraient se prêter à un décryptage. Mais il n’y a aucune liaison entre les signes de cette écriture et un quelconque alphabet. L’aspect visuel est réussi, et la séparation des mots nous donne l’impression qu’il s’agir réellement d’un texte. Bien sûr, avec le recul, il est plus facile pour un homme du Xxe siècle de créer un texte, un alphabet ex nihilo que pour un écrivain du moyen-age ou de la renaissance

* Ecriture de Fontana : elle aurait été inventée par Fontana au XVe siècle.

* Ecriture de « l’Atlantide » (dessin animé de 2001 des Studios Walt Disney). A vrai dire, pour renforcer le caractère mystérieux de l’Atlantide, l’écriture se devait d’être elle aussi mystérieuse sinon il n’y aurait pas de secret de l’Atlantide. Bien sur, s’agissant d’un film contemporain, sous chaque signe figure la correspondance avec notre alphabet. Ce qui est important, ce n’est pas tant d’avoir trouvé une nouvelle écriture, signe que depuis la nuit des temps (de l’écriture), le mystère et l’écriture (et le pouvoir) sont indissociables, mais de constater qu’il n’y a pas 26 signes alphabétiques, mais qu’il y en a 29. Les 3 signes supplémentaires sont issus de l’alphabet anglo-saxon qui comprend « sh », « ch », « th ». Ainsi, «ch » ne s’écrit pas avec la succession de «c » et de « h » mais avec un seul nouveau symbole. Ainsi, il faudra pour décrypter le Manuscrit Voynich, reprendre une méthode de cryptanalyse sur les principaux alphabets possiblement utilisés dans le Moyen Age et/ou la Renaissance.

Nous pourrions encore citer Robert Hooke (1635-1703), ou de la langue employée par Hildegard von Bingen qui a vécu au XIIe siècle. Certains de ses mots sont inventés et résultent de la dissociation de diphtongues, d’allongements syllabiques, d’adjonction de sibilantes (lettres qui « sifflent »)…Mais encore Charles Alexandre de Moy (1750-1834) qui créa un alphabet cohérent, sur la base des sons articulés. Par exemple le « a » s’écrit « O » car seule la bouche intervient.

Enfin, nous voulons faire le lien entre une écriture inventée il y a plusieurs siècles et l’évolution de l’art, art pictural notamment. Au moyen age les représentations dans la peinture étaient religieuses, à travers les icônes, la vie des saints, des scènes tirées de l’ancien testament… Au fur et à mesure des siècles, la peinture s’est faite profane, plus diverse sur les sujets qu’elle traite pour continuer vers le mouvement impressionniste, puis surréaliste et abstrait. La peinture actuelle se cherche et toute peinture est considérée comme art du moment que c’est défini comme tel et qu’il y a un prix attaché à une œuvre. Sur les écritures inventées que nous avons répertoriées ci-dessus, pour celles du XXe siècle, il s’agit d’écritures stylistiques, picturales, parfois techniques, qui ont perdu leur volonté de secret, de dissimuler, et de créer en liaison avec l’alchimie, le surnaturel et le pouvoir. Les techniques modernes de chiffrement sont très poussées et très avancées avec des moyens techniques et informatiques qui mettraient rapidement à plat toute tentative d’un artiste-écrivain-compositeur-alchimiste en mal de créer une nouvelle écriture ayant un sens.

Par contre, au moyen age ou à la Renaissance, l’informatique n’existait pas, et les créations picturales étaient proches de la religion, de la nature, et de l’alchimie. Bien sur, l’année 1492 a modifié profondément l’ordre établi en Europe de l’ouest, tant sur le plan politique que sur la religion, et les sciences de toutes natures.

Nous pensons que l’écriture du Manuscrit Voynich est chargée de sens, non pas forcément sémantique, c’est à dire un caractère égale une lettre ou une signification réelle, mais chargée de sens car elle véhicule dans sa forme et dans son esprit les courants de pensée de l’époque dans laquelle elle se situe. L’écriture du manuscrit n’a pas été purement picturale, et elle ne peut se dissocier des images et dessins qui la parcourent.